Depuis temps que ça dure, depuis le temps, j'aurais pu un tant soit peu comprendre que je ne cherchais personne hormis ma personne. Non dans une fulgurante quête narcissique d'un moi banni, mais dans un élan d'honnêteté qui aurait pu m'éviter l'amour quand ce dernier n'est même pas propre.
Chaque jour depuis, depuis ce temps, je me dis vivre.
Et depuis le temps, tapisserie ignoble faite d'horlogeries et de plaies, j'ai fini par vouloir faire dans la survie.
Dans une volonté sournoise à compatir à ma condition, je m'oublie pour ne pas avoir à dépister une laideur dans les dégâts, dans ce corps émincé, dans cette bâtisse d'après guerre que je me contente d'être.
Je détourne les yeux, je n'ai nulle envie de paniquer, aucun semblant de volonté de faire le deuil de ce que j'aurais souhaité être.
Je ne cherche plus à déménager. Je suis fatiguée de chercher à rejoindre les cieux. Désormais, une politesse niaise s'est installé douillettement dans mes concepts existentiels, on ne meurt pas sans y être invité, me dis-je.
Depuis quelque temps, j'avorte mes méfaits. C'est à l'effroyable que je m'attaque, je coupe le cordon du malheur. Je tue les germes des larmes et des gémissements psychotiques. Non, pour faire dans le sain, mais pour oublier que j'ai, des années durant, assassiné le bonheur. Je dois me faire pitié quelque part. Je m'épargne en quelque sorte. Je m'oublie pour oublier.
Je vis d'artifices compensatoires, de pilulier qui m'arme de défenses acquises pour autrui. Et je m'y abandonne sans retenue, sans honte, sans tergiverser. Parce qu'au fond, chacun ses moyens.
L'abandon m'est devenu crucial. Je lâche prise pour ne pas être aux prises. Parce qu'il en faut peu pour que des armoires poussiéreuses s'ouvrent en un abracadra que ma mémoire aurait psalmodier. De chaque tiroir, s'élanceraient, dans une lévitation machiavélique, démons, sons, lettres, aveux, promesses, non-dits, faussetés, grossièretés, menaces. L'étalage d'une garde robe de maux dont je devrais choisir l'habit du jour. Alors que depuis peu, je sors nue.
Je ne sais vraiment pas si je me cache réellement des choses.
Je sais tout.
J'ignore peut-être au point ne plus savoir. Mais au fond, je sais que je snobe mon passé, je ne l'oublie pas.
Quoi? Comment? Où? Pourquoi?
Pourquoi y répondre? Voir déferler l'histoire, les histoires, ne m'intéresse plus.
Je me veux Homme sans mémoire.
Je ne veux plus d'arguments pour conclure. La vie se targue d'être indifférente à mes explications.
Et tant bien que mal, je continue à atermoyer les évidences. Qu'en fait depuis que je suis née, on me savait faite pour, non pas vivre, mais exister. Dans une affligeante hyper-lucidité qui me sommerait d'oublier ce fait indéniable.
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