dimanche 1 avril 2012

Pensées venimeuses autour d'un café acidulé

"Et dès lors, quand il s'agira d'écrire, vous n'aurez qu'à saigner devant votre feuille vierge."

Qu'arrive-t-il donc? Mon sang coagulerait-il? Ferais-je désormais partie des effrontées de ma génération qui tendent l'oreille à la vie et n'en rapportent rien? Qu'arrive-t-il à mes peines, mes désarrois? Mon émoi est-il aujourd'hui à confiner en mon intérieur?
Il est de ces drames dont on ne se relève jamais.
Les plus tenaces pour un transi des mots, c'est de ne plus en avoir pour peindre la douleur.
Imaginez l'acrylique en rupture de stock du temps de Monet ou les psychotropes formellement inhibés du temps de Burroughs.
Imaginez surtout mes plaies sans palliatifs, sans morphine, sans aucun foutu calmant.
Bonté divine, que suis-je entrain de me foutre?
Et chasser les mots, et leur faire la cour, et se languir de quelques phrases réussies, n'a jamais été mon fort.
De toutes les injustices dont j'aurais pu me prétendre victime, celle-ci est la plus abominable.
Il y a des mois de cela, j'ai senti ce malheur venir. J'ai senti l'emmerde qui puait sur ce sentier emprunté fortuitement.
J'avais eu la superstition avant de penser que je défiais les cieux en écrivant. Que je purgerais des peines immondes pour chaque mot transcrit. Mais la mauvaise augure s'est révélée bonne. J'ai vécu chaque mot que j'ai écrit pendant quelques jours. Les émotions se mutaient en des souffles saccadés. Mes "choses", mes "monstres", mes personnages quittaient mon monde, pour intégrer subtilement mon quotidien.
Je n'ai plus eu besoin de créer. Je me suis abreuvé sans satiété de vivre. Et il n'y a pas plus grand péché pour un transi des mots.
Quelle idée d'avoir un enfant, de bâtir un bercail en dessus d'un berceau, de rêvasser un plan qui se fout à deux et qui ne se reproduira jamais sur des lignes!
J'ai enfanté des êtres incessamment depuis mes premières règles.
Ma fertilité m'a cependant évité les avortements. Je n'avais ni de couches à acheter, ni de comptes à rendre aux gens.
Mes enfants étaient pure fiction.
Aujourd'hui, je n'arrive même plus à me relire. Tout est épars. Des feuilles jetées, d'autres brûlées, d'autres dans d'autres maisons où ils serviraient de bonnes sous tasse. Mes progénitures, je les ai toutes reniées quand je pouvais encore plaider la fécondité.
Aujourd'hui, je n'attends plus d'enfants, je ne leur trouve même plus de père, depuis que j'ai trompé l'amour des maux avec le premier bonheur venu.



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